Sport
- Publié le 4 mai 2020

Comment vous (s)portez-vous ? #2

Rencontre avec Marion Delespierre, championne  de trail, dans le cadre de notre série consacrée aux sportifs confinés.

2ème de la Diagonale des Fous et vainqueure de la Maxi-Race d’Annecy en 2019, la traileuse est médecin du sport dans la vie civile. En attendant de pouvoir reprendre la course, elle s'entretient physiquement et analyse une épidémie qui a bouleversé son quotidien...

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Comment vivez-vous cette période de confinement ?

Marion Delespierre : Ecoutez, ça va plutôt bien, mieux. Avec mon conjoint on a été malades au début du confinement, vers le 17, 18 mars, surtout lui qui a été diagnostiqué COVID positif. Moi j’ai eu quelques symptômes moindres par rapport à lui. Et là tout va beaucoup mieux, on a repris le travail. On a plus de souci particulier sur le plan de la santé.

Quel était votre calendrier sportif initialement prévu pour cette année ?

Initialement on devait partir la semaine prochaine à Madère pour l’Ultra Trail de Madère. C’est une traversée de l’île de Madère donc ça a forcément été annulé. C’était des vacances aussi au passage et puis après toutes les compétitions qui étaient prévues en mai, juin même sur juillet on devait partir au Québec pour le Québec Méga Trail qui a été également annulé. Donc le calendrier est un petit peu chamboulé. Après on ne sait pas vraiment quel sera le prochain dossard. Je pense que ce ne sera pas avant septembre 2020. On est en attente pour l’Ultra Trail du Mont Blanc à Chamonix fin août, pour l’instant l’organisation n’a pas encore signalé de changement de programme. Mais je doute fortement sur le maintien de l’épreuve quand même.

Prête pour l’Ultra Trail du Mont-Blanc ?

C’est assez compliqué parce que l’activité sportive se résume à beaucoup de « home trainer », du vélo d’intérieur. Forcément il n’y a pas du tout de sorties longues, sorties course à pied qui sont normalement prévues au programme pour préparer ce genre d’événement. Il y a quelques petits footings, mais voilà selon les règles établies à 1 km de la maison. Ça reste du bitume, ce n’est pas du sentier, de la montagne du dénivelé, donc c’est vrai que la préparation est perturbée. Après il y a quand même pas mal de préparation physique à côté donc c’est plutôt un point positif mais tout ce qui est sorties longues courir 4 ou 5 heures en montagne c’est pas du tout au programme donc c’est vrai que c’est compliqué. Si on envisage un retour normal de l’entrainement mi-mai, honnêtement, pour moi je ne fais pas l’UTMB, je ne vois pas comment l’événement pourrait se tenir, je préfère me dire ça pour ne pas être déçue fin août. Même si l’événement avait lieu la préparation serait vraiment perturbée, ça ferait 2 mois et demi de préparation, c’est un peu compliqué quand même. Je préfère me dire qu’il n’aura pas lieu, que 2020 c’est une année comme ça et qu’on verra en 2021.    

Comment se passe une journée-type en ce qui concerne le sport ?

Du coup il y a souvent du vélo dans la journée, en fin de journée avec des copains d’entrainement de course à pied on se rejoint sur une application : Swift. On se fait des sorties ensemble ça peut être des sorties d’endurance comme des sorties de qualité avec des exercices de PMA par exemple, ça varie selon les jours. Après il y a pas mal de renforcement musculaire. Pas tous les jours, mais soit il y a du yoga, soit il y a des exercices de renforcement, du gainage, des abdos, différents exercices qu’on peut retrouver sur les réseaux ou dans les plans d’entraînement. Et puis de temps en temps une petite sortie à pied pour essayer de dégourdir un peu les jambes mais c’est surtout à base de vélo et de renforcement musculaire.

Avez-vous trouvé des astuces pour continuer à pratiquer ?

Il faut utiliser ce qu’on a sous la main, des bouteilles d’eau remplies à la place des altères. J’ai un petit peu de matériel : des élastiques, un tapis de yoga. Après il suffit de pas grand-chose : un banc, des altères ou des bouteilles d’eau, un élastique, on fait déjà pas mal de travail. Après c’est beaucoup à poids de corps, des fentes, des squats, des burpees. C’est vrai que c’est plus facile d’avoir un extérieur, moi j’ai un extérieur, il suffit d’être dans le jardin et on peut faire plein de petits exercices. Et après de par mon métier je connais plein de petits exercices. Je connais mes points faibles sur le plan physique donc je sais quoi travailler. C’est vrai que ça aide pas mal. Sur les réseaux, Instagram, Facebook, il y a pas mal de préparateurs sportifs de kinés qui donnent des exercices des exemples donc ça manque pas d’inspiration sur Internet.      

Un exercice facile à pratiquer pour tous à la maison ?

Ça dépend ce que l’on veut travailler, des exercices simples : faire des fentes ou faire la chaise à 90 degrés contre un mur pour renforcer les quadriceps. Après c’est vrai que moi j’aime beaucoup le yoga et je trouve que sur Internet il y a pas mal de cours en accès libre et gratuit. Je trouve que ça fait autant du bien sur le plan physique que mental. Parce que c’est vrai que ce n’est pas évident cette période pour tout le monde surtout si on vit à Lyon sans extérieur. Le yoga, il ne faut pas beaucoup de place, c’est la taille d’un tapis ça permet de faire beaucoup travailler au niveau du corps et de l’esprit. C’est une bonne alternative que de faire du yoga. Après il faut faire ce dont on a envie, il y en a qui ont besoin de faire monter le cardio, de faire des fentes sautées, des squats sautés et il y en a d’autres c’est plus se poser et s’étirer.
Il faut penser à la fin du confinement aussi car on a encore un mois, il faut tenir le coup. Aller marcher 1 quart d’heure 20 minutes autour de chez soi peut faire du bien aussi parce que rester enfermé chez soi c’est un petit peu dur -  avec les mesures barrières bien sûr - prendre un petit peu l’air, c’est une période où il fait beau, bien aéré ses pièces, son appartement, renouveler l’air et puis tenir le coup. Un petit peu de patience et bientôt on pourra sortir.         

Quel est votre sentiment de médecin par rapport à cette épidémie ?

C’est assez particulier cette pandémie, je vous avoue, je ne pensais pas vivre ça un jour. Après ça a perturbé pas mal de choses car on a dû fermer le cabinet vu qu’on ne fait pas partie des soins urgents en médecine du sport. Du coup on a mis en place un système de téléconsultations. On le faisait déjà avant le confinement mais juste pour un retour d’examens ou quand les patients avaient des questions à poser dans le cadre de leur rééducation. Du coup la téléconsultation s’est intensifiée tant pour la médecine du sport que pour le côté médecine générale.
Après je vous avoue que ce n’est pas toujours évident, encore hier en motif de consultation c’était genoux ou cheville, des traumatismes parce que les gens peuvent se blesser aussi à la maison en faisant leurs exercices. J’ai une patiente hier qui s’est tordu la cheville alors qu’elle était chez elle et pieds nus. Du coup ça a quand même ses limites. On espère reprendre assez vite ne serait-ce que pour les urgences, pour ce genre de cas, cette patiente qui s’est tordu la cheville. Via une webcam c’est un peu compliqué pour moi d’évaluer la gravité de sa blessure. Du coup pour tout ce qui est urgences, semi-urgences les patients qui se sont fait opéré du ligament croisé qui sont un petit peu perdus dans leur rééducation. Pour les kinés comme pour nous ce serait bien que progressivement on puisse réinstaurer ce genre de consultations pour répondre aux patients pour ce côté un petit peu traumato.
Il reste toujours les urgences qui restent encore ouvertes. D’ailleurs, on a travaillé aux urgences de la clinique de la sauvegarde à Ecully et il y a un petit peu de traumatologie forcément. Après les gens n’ont pas vraiment envie d’aller aux urgences par crainte du COVID. Mais bon, c’est quand même très bien trié à l’entrée si vous ne présentez pas de symptômes liés au COVID. Les deux ailes sont séparées donc à priori il n’y a pas de risque. Après on est jamais à l’abri d’un porteur asymptomatique.
C’est un métier vraiment de contact, on parle avec les gens et là via une webcam c’est quand même pas évident, il n’y a pas le toucher, il n’y a pas cet examen là qu’on aime bien pratiquer, donc ça a changé beaucoup les habitudes.           

Un petit message pour les sportifs lyonnais ?

Je voulais juste leur dire de tenir le coup, faut tenir le coup jusqu’au 10 mai après les sentiers nous attendent, ils seront toujours là à la fin du confinement. Donc on va pouvoir reprendre tout ça tranquillement au Parc de la Tête d’Or, sur les quais, dans les Monts d’Or, dans les Monts du Lyonnais. On va ressortir les vélos et les baskets. Mais en attendant, on va faire du renforcement, ce n’est pas du temps de perdu, ça sert énormément pour la course à pied.
Et puis ben à très vite. Ça va bien se passer, prenez soin de vous !